Il est 4 h du matin, la lune est pleine et haute dans le ciel étoilé. Elle est assise sur le bord de la fenêtre, les jambes nues. Ses yeux sont fermés et quelques larmes coulent sur ses joues pâles.
Nine ne trouve pas le sommeil. Elle passe de longues nuits assise au bord de sa fenêtre. Elle ferme les yeux et s’envole pour de longs voyages. Parfois elle est un chat sauvage, tapie dans l’obscurité, attendant le moment propice pour bondir. D’autres fois, elle est une chouette aux grands yeux brillants dans le noir, ou encore une biche s’élançant dans les bois. Et dans cette fuite, Nine oublie son corps. Elle oublie que ses mains ne savent ni peindre ni façonner, que ses pieds ne veulent pas danser ou courir, que sa bouche ne chante ni n’embrasse. Ses yeux noirs alors, cessent de pleuvoir.
Le jour, quand elle ne parvient toujours pas à dormir, elle sort les pieds nus. Les enfants se moquent d’elle alors Nine accélère le pas. Elle remonte le chemin qui contourne l’église, marche quelque temps sur la route qui mène au village voisin et tourne vers la grande forêt. Elle l’appelle la Forêt Toiles. Parce qu’elle y contemple de somptueux tableaux. Quand elle pénètre dans sa forêt-musée, elle sourit. Elle effleure les arbres, fait craquer les feuilles sous ses pieds puis s’allonge au milieu d’une petite clairière où l’herbe est douce. Elle reste ainsi pendant des heures, à observer le va-et-vient des oiseaux dans leurs nids, le travail méticuleux des fourmis, les timides mulots, le lourd vol d’un lucane. Les jours de chance, quand la forêt est paisible, le cerf montre le bout de ses bois. Tout le corps de Nine est alors traversé d’un grand frisson. Ces jours-là, elle rentre chez elle le visage ensoleillé, s’allonge dans son lit et trouve enfin le sommeil. Ces nuits-là, elle rêve de courses folles dans un musée aux arbres-murs et au plafond-ciel.
Il est 4 h du matin, la lune est ronde et haute dans le ciel étoilé. Nine assise sur sa fenêtre, est fatiguée. Fatiguée de ne pas savoir peindre, façonner, danser, courir, chanter, embrasser. Fatiguée des moqueries des enfants. Fatiguée d’avoir une forêt dans la tête à la place des mots. Alors dans la nuit noire, elle se hâte de rejoindre sa Forêt Toile. Se libère de ses vêtements, voiles futiles pour cacher son grand corps trop maigre. Elle s’élance aussi vite qu’elle le peut pour s’enfoncer loin dans les bois. Elle s’effondre à bout de souffle, enfonce ses ongles dans la terre humide et pleure en silence pour ne pas effrayer les animaux de la forêt.
Soudain, une haleine chaude dans son cou fige ses sanglots. La bête flaire ses cheveux, un frisson parcourt son corps. Nine tourne la tête lentement, il est là, majestueux, les bois fièrement dressés. Ils restent un moment à se regarder, puis le cerf avance la tête et effleure le bras nu, griffé par les ronces. Nine lève une main prudente et caresse le cou de l’animal. Il se couche, docile. Après quelques secondes d’hésitation, elle grimpe sur son dos. Lorsqu'il se relève, elle enlace son cou robuste pour ne pas tomber.
La bête majestueuse emmena Nine dans les profondeurs des bois. Couchée sur son dos, les mains caressant son encolure, elle se jura de ne jamais plus sortir de sa Forêt Toile. Jamais plus.
Les saisons passèrent. Au village, personne ne remarqua que l’étrange fille aux pieds nus avait disparu. Certains chasseurs rapportèrent qu’ils avaient vu un cerf monté par une femme nue. Sur le moment, les conteurs ne furent pas pris au sérieux. Mais la légende survit aux années et l’on raconte encore aux enfants sages l’histoire de la femme qui partit vivre dans les bois par amour pour un cerf.
(Eva Mignon)Nine ne trouve pas le sommeil. Elle passe de longues nuits assise au bord de sa fenêtre. Elle ferme les yeux et s’envole pour de longs voyages. Parfois elle est un chat sauvage, tapie dans l’obscurité, attendant le moment propice pour bondir. D’autres fois, elle est une chouette aux grands yeux brillants dans le noir, ou encore une biche s’élançant dans les bois. Et dans cette fuite, Nine oublie son corps. Elle oublie que ses mains ne savent ni peindre ni façonner, que ses pieds ne veulent pas danser ou courir, que sa bouche ne chante ni n’embrasse. Ses yeux noirs alors, cessent de pleuvoir.
Le jour, quand elle ne parvient toujours pas à dormir, elle sort les pieds nus. Les enfants se moquent d’elle alors Nine accélère le pas. Elle remonte le chemin qui contourne l’église, marche quelque temps sur la route qui mène au village voisin et tourne vers la grande forêt. Elle l’appelle la Forêt Toiles. Parce qu’elle y contemple de somptueux tableaux. Quand elle pénètre dans sa forêt-musée, elle sourit. Elle effleure les arbres, fait craquer les feuilles sous ses pieds puis s’allonge au milieu d’une petite clairière où l’herbe est douce. Elle reste ainsi pendant des heures, à observer le va-et-vient des oiseaux dans leurs nids, le travail méticuleux des fourmis, les timides mulots, le lourd vol d’un lucane. Les jours de chance, quand la forêt est paisible, le cerf montre le bout de ses bois. Tout le corps de Nine est alors traversé d’un grand frisson. Ces jours-là, elle rentre chez elle le visage ensoleillé, s’allonge dans son lit et trouve enfin le sommeil. Ces nuits-là, elle rêve de courses folles dans un musée aux arbres-murs et au plafond-ciel.
Il est 4 h du matin, la lune est ronde et haute dans le ciel étoilé. Nine assise sur sa fenêtre, est fatiguée. Fatiguée de ne pas savoir peindre, façonner, danser, courir, chanter, embrasser. Fatiguée des moqueries des enfants. Fatiguée d’avoir une forêt dans la tête à la place des mots. Alors dans la nuit noire, elle se hâte de rejoindre sa Forêt Toile. Se libère de ses vêtements, voiles futiles pour cacher son grand corps trop maigre. Elle s’élance aussi vite qu’elle le peut pour s’enfoncer loin dans les bois. Elle s’effondre à bout de souffle, enfonce ses ongles dans la terre humide et pleure en silence pour ne pas effrayer les animaux de la forêt.
Soudain, une haleine chaude dans son cou fige ses sanglots. La bête flaire ses cheveux, un frisson parcourt son corps. Nine tourne la tête lentement, il est là, majestueux, les bois fièrement dressés. Ils restent un moment à se regarder, puis le cerf avance la tête et effleure le bras nu, griffé par les ronces. Nine lève une main prudente et caresse le cou de l’animal. Il se couche, docile. Après quelques secondes d’hésitation, elle grimpe sur son dos. Lorsqu'il se relève, elle enlace son cou robuste pour ne pas tomber.
La bête majestueuse emmena Nine dans les profondeurs des bois. Couchée sur son dos, les mains caressant son encolure, elle se jura de ne jamais plus sortir de sa Forêt Toile. Jamais plus.
Les saisons passèrent. Au village, personne ne remarqua que l’étrange fille aux pieds nus avait disparu. Certains chasseurs rapportèrent qu’ils avaient vu un cerf monté par une femme nue. Sur le moment, les conteurs ne furent pas pris au sérieux. Mais la légende survit aux années et l’on raconte encore aux enfants sages l’histoire de la femme qui partit vivre dans les bois par amour pour un cerf.
Très jolie histoire !
RépondreSupprimerUn joli petit conte comme on les aime... :-)
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