Camille, 13 ans, souffre de troubles cognitifs. Adrien,
17 ans, est violent et manque de confiance en lui. Handicapé par les séquelles
d’un accident de la route, Dominique, 44 ans, a développé une dépression.
Bernard, 75 ans, souffre de la maladie d’Alzheimer. Jean, 41 ans, est entré en
unité palliative, en raison de son cancer en phase terminale.
Leur point commun ? Tous ont été inclus dans un protocole
d’art-thérapie. Et tous ont vu leur état physique, cognitif ou émotionnel s’améliorer.
Nul besoin toutefois d’être victime d’une pathologie lourde pour bénéficier des
bienfaits de la pratique artistique : les recherches montrent que de simples séances
de dessin ou de coloriage, que chacun peut pratiquer, diminuent le stress.
Pour le psychologue israélien Son Preminger, l’art est
une expérience totale, à la fois perceptuelle, émotionnelle et personnelle. Il
agit alors à plusieurs niveaux. D’une part, il stimule les sensations et les
émotions, ainsi que la motricité (quand on danse, que l’on dessine, que l’on
modèle de l’argile…). Ensuite, il encourage à aller vers les autres, pour
élaborer une œuvre avec eux, ou tout simplement pour leur montrer les œuvres
que l’on a soi-même exécutées. Il aide aussi à restaurer la confiance en soi,
grâce à la satisfaction de réaliser une belle chose, ainsi que la « saveur
existentielle » (le plaisir de vivre l’instant présent).
De ce fait, l’art-thérapie, définie comme la valorisation
du potentiel et des capacités préservées d’une personne en souffrance grâce à
une pratique artistique, permet d’assister des patients victimes de pathologies
très variées. Une enquête réalisée en 2015 par l’école d’art-thérapie de
Tours (Afratapem) montre à quel point elle a pénétré le milieu du soin en
France : plus de 92 % des structures d’accueil (hôpitaux, centres médico-sociaux…)
déclarent en proposer. Si, de façon générale, elle n’est pas remboursée par la
Sécurité sociale, certaines de ces structures l’intègrent tout de même
gratuitement au parcours de soin. Autre atout : on peut y recourir à tout âge.
Quelque 30 % des interventions concernent ainsi des
enfants et des adolescents. Chez ces derniers, les expérimentations se
multiplient dans toutes les directions, même si les études sur de grandes
cohortes manquent encore. Les art-thérapeutes proposent par exemple des séances
de peinture à des enfants qui ont perdu toute motivation suite à des troubles
cognitifs ou moteurs. Camille, victime d’une infection par un pneumocoque après
la naissance et suivie dans un institut d’éducation motrice à Savigné-l’Evêque,
près du Mans, a ainsi retrouvé une certaine forme de plaisir et d’envie grâce à
ces séances ; ses difficultés motrices et mémorielles semblent aussi s’être améliorées.
Dans une autre expérience, menée à Nantes, des enfants de 8 à 13 ans souffrant
de mucoviscidose effectuent des séances d’arts plastiques, de jeux théâtraux et
de marionnettes. L’objectif est de diminuer leur anxiété, notamment quand ils
viennent à l’hôpital pour des analyses ou des traitements. Les mesures sont en
cours, mais les premiers témoignages sont très positifs : « Quand j’ai les
prises de sang, j’ai peur », déclare par exemple Martin. « Ça [la séance d’art-thérapie]
me fait oublier, ça me change les idées… ça détend. » Autre bénéfice collatéral :
les enfants sont plus motivés pour venir à l’hôpital.
Restaurer une bonne image de soi
D’autres essais portent sur des adolescents souffrant
d’obésité. Ces patients ont très souvent une mauvaise estime d’eux-mêmes et une
grande peur des jugements d’autrui. Des ateliers d’arts plastiques (peinture,
dessin, collage…) leur permettent alors d’exprimer leurs émotions, et ainsi de
mieux les comprendre et de commencer à prendre du recul. Lorsqu’ils sont
effectués en groupe, c’est aussi une façon d’aller à la rencontre des autres.
Les thérapeutes testent également des séances de danse, afin de donner le
plaisir de bouger à ces adolescents et de contrecarrer l’image négative qu’ils
ont de leurs propres mouvements, souvent vus comme disgracieux. On sait déjà
que ce type de séances est efficace chez les adultes : en 2008, Solange
Muller-Pinget, des Hôpitaux universitaires de Genève, et ses collègues ont
ainsi montré qu’elles amélioraient l’image que les patients obèses ont de leur
corps.
De façon générale, les bienfaits de l’art-thérapie sur la
confiance et l’estime de soi sont solidement démontrés. L’acquisition de
compétences et la réalisation d’une belle œuvre encouragent en effet les
pensées positives (« je peux le faire », « je suis digne d’intérêt »). C’est ce
qui pousse certaines structures médico-sociales à proposer de l’art-thérapie
aux personnes en grande précarité, comme Marc, 48 ans, qui vit dans la rue.
Accueilli dans une structure d’hébergement temporaire, il a pratiqué la
peinture, le collage et la photographie. Au bout de huit séances d’une heure,
l’évaluation a révélé des bénéfices notables sur l’estime de soi et l’anxiété.
Sans aller jusqu’à ces cas extrêmes, l’art-thérapie peut
être d’une grande aide lors d’expériences professionnelles déstabilisantes,
comme un burn-out ou une perte d’emploi. L’art-thérapeute Sandrine Ratz a ainsi
proposé des ateliers de théâtre et de danse à des personnes renvoyées de leur
travail. Elle a constaté que ces ateliers amélioraient leur estime de soi et
diminuaient leur niveau de stress, mesurés par diverses échelles cliniques.
Simona Italia et ses collègues ont quant à eux travaillé
avec le personnel soignant d’une unité d’oncologie – ces professionnels
comptant parmi les plus à risque pour le burn-out. Les chercheurs ont organisé
des séances hebdomadaires d’art-thérapie pendant trois mois. Les résultats, publiés
en 2007, ont montré que ce programme diminuait les symptômes de burn-out
sur trois dimensions : l’épuisement émotionnel, le désintérêt et la perte du
sentiment d’accomplissement personnel. Notons toutefois que les séances
combinaient des techniques d’art-thérapie (notamment des ateliers de théâtre)
avec des techniques de relaxation, et que l’apport spécifique de chacune reste
à préciser.
(Hervé Platel et Fabrice Chardon)
Source : Cerveau et psycho > https://www.cerveauetpsycho.fr
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