Nuki vendait de l'alcool sur le marché de Tchen. Elle avait
là, au coin de la place, une échoppe accueillante, quoique minuscule et fort
encombrée. Les boissons qu’elle y servait étaient réputées les meilleures de la
ville. Nuki était considérée, malgré son apparente fragilité, comme la plus compétente
et la plus infatigable des tenancières. Mais bien que désirable et attentive à
tous, elle intimidait les hommes. Il leur suffisait de rencontrer la lumière
vive et sans cesse amusée de son regard pour savoir qu'elle n'était pas femme à
tolérer une main sale sur sa hanche.
Un jour, un Immortel apparut sur le seuil. En vérité, rien
ne le distinguait du commun des êtres. Elle le prit pour un simple lettré. C’était
l’heure où le soleil éblouissait les flacons sur l’étagère. Il entra et
commanda un gobelet de liqueur. Il le dégusta en regardant la rue. Après quoi
il se leva, il remercia Nuki pour l’excellence de sa maison, et lui dit qu’il n’avait
pas le moindre sou. Il lui proposa de lui laisser, en guise de paiement, un
livre qu’il tira de sa manche. Elle accepta.
Au soir, quand elle eut mis le volet à sa porte, elle alluma
la lampe dans le réduit qui lui servait de chambre, s’assit sur son lit et,
tout en dînant d’amandes et de raisins secs, elle ouvrit le livre. Elle s’étonna
d’abord. L'art des jouissances amoureuses y était abondamment commenté.
Elle ignorait qu'on pût écrire sur de pareils sujets. Une sorte de honte
émerveillée échauffa bientôt ses joues et ses tempes tandis qu’elle découvrait,
tournant les pages d’un doigt mouillé, les manières les plus heureuses de
donner du plaisir, d’en recevoir et de faire de la communion des ventres une
source inépuisable de vigueur et de beauté. La nuit suivante, elle apprit par cœur
le texte des cinq chapitres que contenait l’ouvrage. Puis, considérant que le
savoir n’était que vaine poussière s’il n’était pas éprouvé par le corps et si les
sens n’y avaient point leur part, elle décida de mettre en pratique ce qu’elle
avait appris.
Elle débarrassa l’arrière-boutique des flacons vides et
poussiéreux qu’elle avait accumulés au cours des ans et aménagea un lieu de
rendez-vous secret. Tous les soirs, elle invita des jeunes gens à s’exercer
avec elle à cet art qu’elle avait vu décrit et précieusement illustré. Elle
devint peu à peu l’amoureuse la plus déconcertante et la plus épanouie du
monde. Le jour, servant à boire, pas plus qu’au temps de sa chasteté elle ne
tolérait les familiarités des audacieux. Le soir, avec celui qu’elle avait
discrètement élu, elle abandonnait toute pudeur et cultivait d’insoupçonnables
félicités. Elle fit ainsi, trente années durant, et non seulement ne vieillit
pas, mais parut au contraire jour après jour parée de beautés nouvelles.
Un matin, à l’heure même où il était pour la première fois
venu, l'Immortel franchit à nouveau le seuil de la boutique. Nuki le reconnut.
Elle savait maintenant qui il était. Il lui sourit. Elle baissa les yeux et
sourit aussi. Comme elle lui servait un gobelet de liqueur, il lui dit :
- Je vois que t’ont poussé des ailes.
- Oui, lui répondit-elle. Apprends-moi maintenant à voler
dans le ciel.
Elle demeura debout près de lui. Il but, la mine rêveuse,
puis sans se retourner s’en alla parmi la foule du marché. Elle ne prit même
pas le temps de quitter son tablier, ni de mettre le volet à sa porte. Elle le
suivit. Personne ne la revit jamais, ni à Tchen, ni ailleurs.
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I Love ALICE♥♥♥♥ ☆
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"Cheminant sur le sentier du désert, le roi Salomon rencontra une fourmilière et aperçut une fourmi restée à l'écart, toute occupée à déplacer, un grain après l'autre, un tas de sable. «Un labeur exagéré pour une faible fourmi » commenta Salomon, ce à quoi la fourmi lui répondit :
« C'est pour l'amour de ma bien-aimée que je travaille ainsi. Cet obstacle me sépare d'elle. Rien ne pourra donc me distraire de son effacement. Et si à cette œuvre j'use toutes mes forces, au moins je mourrai dans l'étrange et bienheureuse folie de l'espérance. » Ainsi parla la fourmi amoureuse. Ainsi le roi Salomon découvrit, sur le sentier du désert, le feu de l'amour véritable"
Henri Gougaud - Contes des sages soufis
ღ˚ •。* ♥ ˚ ˚✰˚ ˛★* 。 ღ˛° 。* °♥ ˚ • ★ *˚ .ღ 。
https://www.youtube.com/watch?v=x7Ah7-Nj_J0
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> http://lartdubonheuralicien.blogspot.fr/2012/03/la-fourmi-amoureuse-conte-soufi.html ;-) Mars 2012... Déjà 5 ans...
SupprimerHahaha, il m'amuse, ce Max Raabe ! Il reste si impassible, comme détaché de ce qu'il chante... lol
Eh bien, on en faisait de superbes déclarations d'amour en 1910 !!! Déjà plus d'un siècle...
Merci pour les beaux petits dessins ! :-))
RépondreSupprimerYa, ich liebe auch ! ...il m'amuse par son style et son détachement ...très attachant lol !!!
Allez hop Alice ! on remet çà alors, weil die nacht ist nicht allein zum Schlafen ;-)
https://www.youtube.com/watch?v=34OKMvvcTF0
Hahaha ! La chanson est de 1938, quelle drôle d'époque ! Pour en savoir plus, cliquer > ici :-)
SupprimerGute Nacht, lieber 007 !