Le petit monde d'Alice

samedi 6 août 2016

Publié par Alice - 0 commentaire

Nul ne savait d’où il était venu, mais il se tenait là, immobile, obstiné, têtu, bien décidé à demeurer ainsi tout le temps que durent les joutes de l’ombre et de la lumière…
Il avait roulé jusqu’ici comme, après la fonte des neiges, ces pierres qui dévalent du sommet vers la vallée. Comme elles, il ne bougerait plus d’un pouce…
Sa course s’arrêterait là…
Ce serait là également que se joueraient son destin et sa vie…
Quoi qu’il en soit, il accepterait la tombée du verdict : rejet ou adoption, qu’importe, mais
il faudra bien qu’on lui dise, une fois pour toute, si on veut ou non de lui…
C’est ainsi, dans cette exacte disposition d’esprit, que Philomène le trouva couché au milieu de sa cour face à la porte fermée…
Il faut dire qu’il n’avait, alors, guère plus de chair sur les os, qu’il sentait l’abandon et l’errance, qu’il était couvert de poussière, de puces, de tiques et de boue…
Son allure était si peu engageante, qu’elle appelait plus le coup de balai ou l’injonction à déguerpir qu’un apitoiement bienvenu ou qu’une invitation à demeurer quelque temps…
Il faut très peu de chose parfois et en quelques secondes seulement pour qu’une vie bascule vers l’exclusion, l’isolement et la mort…
- C’est à cause de ses yeux ; des yeux presque humains où se lisait bien plus que l’humain, dira-t-elle bien plus tard…
Elle avait plongé ses yeux à elle dans la profondeur de ses yeux à lui et ce, comme on plonge, en plein été, un seau au fond du puits et que remonte, à la surface, une eau fraîche et claire qui redonne de la vie à la vie…
Elle n’avait rien dit, n’avait fait aucun geste vers l’animal… Elle avait ouvert sa porte puis, elle était venue déposer une écuelle sur la margelle de l’escalier avant que de reprendre ses occupations habituelles…
Les yeux lourds avaient compris cela dans cet entendement que seuls les yeux humains et un peu plus qu’humains savent échanger entre eux, au-delà des paroles et du silence même…
Plus rien ne pressait, les nuages les plus sombres s’étaient retirés dans un pli du ciel masqué par l’azur…
Il referma les yeux et s’abandonna enfin à un repos paisible et profond, la truffe à même la pierre chaude…
L’écuelle pouvait attendre… Il était chez lui !
(Une nouvelle du druide Bran Du)
Source : http://www.lesditsducorbeaunoir.com/


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