C’était l’été. De la maison de nos vacances, j’avais pris mon petit vélo pour aller jusqu’au bout de la plage cachée entre les pins. Je pédalais au milieu d’un grésillement de cigales, quand soudain j’aperçus les jambes d’une fille sur le bord du chemin. Elle aussi allait vers le bord de mer… mais à pied, sa serviette nonchalamment jetée sur l’épaule.
Alors, j’ai joué au chevalier. Je suis descendu de mon
coursier et je lui ai demandé si elle voulait monter. Elle m’a toisé d’un air
un peu chipie. Puis finalement, elle a baissé les yeux. Je crois qu’elle avait
très mal aux pieds, en avait assez de marcher… car elle m’a dit : « Tu crois
que tu vas y arriver… tu ne vas pas zigzaguer et nous mettre dans le fossé ! »
J’ai protesté : « Je porte souvent ma petite sœur, tu sais ! »
Elle a grimpé
sur le porte-bagages et j’ai senti ses bras qui m’enlaçaient. Cela m’a donné du
courage… et puis, j’avais la chance que le sentier était sur la descente. Aussi
je n’ai pas trop zigzagué pour démarrer. J’ai appuyé bien fort, bien fort sur
les pédales et j’ai visé droit le chemin, même si j’avais les mollets en feu…
C’est lourd une fille !
De temps en temps, avec un petit rire, elle demandait :
« ça va, c’est pas trop dur ? » Et j’essayai de trouver dans mes poumons un
reste d’oxygène pour souffler d’un air dégagé : « non ! non ! » Je comptais
chaque mètre qui me séparait de la crique… et quand je suis arrivé tout près
des roseaux, j’ai freiné comme j’ai pu et on a bien failli se cascader.
Elle
est descendue souriante : « Dis donc, le champion, comment tu t’appelles ? Moi,
c’est Manon ! » J’ai balbutié : « Mi..mi… michel ! » « Eh bien, Mimimichel, tu
es rouge comme une écrevisse ! » J’ai protesté : « Ce doit être le soleil ! Tu
sais, j’ai l’habitude du vélo. Des fois, je fais même des courses avec mes
cousins. » Et pour changer (un peu) de sujet, j’ai ajouté : « Qu’est-ce qu’on
attend ? On va se baigner ! » - D’accord, a dit ma princesse. Mais tu promets
de te tourner et ne pas regarder. Je dois me mettre en maillot ! -
Je me suis
éloigné contre un arbre… mais je l’entendais qui gigotait. J’osais plus bouger
car je ne savais pas si elle avait ou non terminé… C’est alors que j’ai entendu
un grand « plouf ! » et un joli rire sonore. - Dis donc, tu viens ? Manon
m’avait doublé et s’était jetée à l’eau. J’ai enlevé mon pantalon et j’ai
plongé moi aussi… le plus vite possible pour qu’elle ne voie pas mes jambes
maigres. L’eau était aussi froide que d’habitude, mais pour la première fois,
je n’avais pas eu besoin d’y entrer centimètre par centimètre. C’est fou ce que
les filles sont capables de vous faire faire !
On a nagé jusqu’à une bouée.
Puis je lui ai montré que je savais aussi nager sous l’eau. J’ai fait au moins
dix mètres sans respirer. Alors elle a voulu corser la difficulté. Elle a
écarté ses jambes et je devais passer sous le pont. Une fois, deux fois, trois
fois…J’étais comme un général d’armée qui défile sous l’arc de triomphe ! Si
mes cousins me voyaient !... Elle a voulu essayer, elle aussi. Mais elle
n’avait pas pris assez de souffle et n’a pas réussi à passer… Elle s’est
affolée, s’est agrippée à moi et m’a basculé dans l’eau. Une vague est arrivée
et nous a basculés à son tour. On a ri, on a ri… comme si c’était la chose la
plus drôle de la terre.
Puis on est revenus vers le bord en pataugeant
lourdement comme des robots, faisant jaillir des gerbes d’eau à chacun de nos
pas. Tout au bord, ma princesse m’a pris la main et j’ai senti que je
grandissais jusqu’au toit du monde. Sur ma peau, les gouttes d’eau ruisselaient
froides, mais délicieusement froides, au point que j’en frissonnais. Avec
beaucoup d’autorité, Manon m’a frictionné de sa serviette, comme seule
jusqu’alors Maman savait le faire. Puis elle a pris un air de Marilyn et elle
m’a murmuré : - Tu sais que t’es mignon, toi ? Non je ne le savais pas.
Cependant, pour la première fois, je me sentais quelqu’un d’important.
On
n’avait qu’une serviette pour deux. D’habitude je me roulais à même le sable
chaud. Manon a bien voulu partager la sienne et j’ai osé lui reprendre la main…
en regardant discrètement au loin si personne ne nous voyait. Elle a mis de
grosses lunettes qui lui donnaient un air rigolo de fourmi, et elle est restée
silencieuse, comme les stars qui bronzent au soleil. Puis d’une petite voix
nonchalante, elle a soufflé : - Tout à l’heure, si tu veux bien, tu me passeras
de la crème. J’ai peur d’attraper un coup de soleil. Et j’ai prié, prié, prié…
pour que les gros nuages qui commençaient à noircir le ciel s’éloignent…ne viennent
pas tout gâcher… et me laissent effleurer du bout des doigts la peau si belle
de ma princesse d’été.
C'est mimiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii :D
RépondreSupprimerLe charme jouissif des premières fois de la prime jeunesse ;)
Excellent choix bella :)
Ah oui... ces incomparables "amours d'enfance"... :-) On ne les oublie jamais !
Supprimertrès sympa ce texte
RépondreSupprimerj'espère que tu vas bien
besos
tilk
Tilk ! Quel plaisir ! Oui je vais très bien. Que deviens-tu ? Puisque tu me fais la surprise de passer chez moi, je me téléporte immédiatement chez toi ! A tout de suite ! ;-)
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