Le petit monde d'Alice

samedi 30 juillet 2016

Publié par Alice - 4 commentaires


C’était l’été. De la maison de nos vacances, j’avais pris mon petit vélo pour aller jusqu’au bout de la plage cachée entre les pins. Je pédalais au milieu d’un grésillement de cigales, quand soudain j’aperçus les jambes d’une fille sur le bord du chemin. Elle aussi allait vers le bord de mer… mais à pied, sa serviette nonchalamment jetée sur l’épaule. 
Alors, j’ai joué au chevalier. Je suis descendu de mon coursier et je lui ai demandé si elle voulait monter. Elle m’a toisé d’un air un peu chipie. Puis finalement, elle a baissé les yeux. Je crois qu’elle avait très mal aux pieds, en avait assez de marcher… car elle m’a dit : « Tu crois que tu vas y arriver… tu ne vas pas zigzaguer et nous mettre dans le fossé ! » J’ai protesté : « Je porte souvent ma petite sœur, tu sais ! » 
Elle a grimpé sur le porte-bagages et j’ai senti ses bras qui m’enlaçaient. Cela m’a donné du courage… et puis, j’avais la chance que le sentier était sur la descente. Aussi je n’ai pas trop zigzagué pour démarrer. J’ai appuyé bien fort, bien fort sur les pédales et j’ai visé droit le chemin, même si j’avais les mollets en feu… C’est lourd une fille ! 
De temps en temps, avec un petit rire, elle demandait : « ça va, c’est pas trop dur ? » Et j’essayai de trouver dans mes poumons un reste d’oxygène pour souffler d’un air dégagé : « non ! non ! » Je comptais chaque mètre qui me séparait de la crique… et quand je suis arrivé tout près des roseaux, j’ai freiné comme j’ai pu et on a bien failli se cascader. 
Elle est descendue souriante : « Dis donc, le champion, comment tu t’appelles ? Moi, c’est Manon ! » J’ai balbutié : « Mi..mi… michel ! » « Eh bien, Mimimichel, tu es rouge comme une écrevisse ! » J’ai protesté : « Ce doit être le soleil ! Tu sais, j’ai l’habitude du vélo. Des fois, je fais même des courses avec mes cousins. » Et pour changer (un peu) de sujet, j’ai ajouté : « Qu’est-ce qu’on attend ? On va se baigner ! » - D’accord, a dit ma princesse. Mais tu promets de te tourner et ne pas regarder. Je dois me mettre en maillot ! - 
Je me suis éloigné contre un arbre… mais je l’entendais qui gigotait. J’osais plus bouger car je ne savais pas si elle avait ou non terminé… C’est alors que j’ai entendu un grand « plouf ! » et un joli rire sonore. - Dis donc, tu viens ? Manon m’avait doublé et s’était jetée à l’eau. J’ai enlevé mon pantalon et j’ai plongé moi aussi… le plus vite possible pour qu’elle ne voie pas mes jambes maigres. L’eau était aussi froide que d’habitude, mais pour la première fois, je n’avais pas eu besoin d’y entrer centimètre par centimètre. C’est fou ce que les filles sont capables de vous faire faire ! 
On a nagé jusqu’à une bouée. Puis je lui ai montré que je savais aussi nager sous l’eau. J’ai fait au moins dix mètres sans respirer. Alors elle a voulu corser la difficulté. Elle a écarté ses jambes et je devais passer sous le pont. Une fois, deux fois, trois fois…J’étais comme un général d’armée qui défile sous l’arc de triomphe ! Si mes cousins me voyaient !... Elle a voulu essayer, elle aussi. Mais elle n’avait pas pris assez de souffle et n’a pas réussi à passer… Elle s’est affolée, s’est agrippée à moi et m’a basculé dans l’eau. Une vague est arrivée et nous a basculés à son tour. On a ri, on a ri… comme si c’était la chose la plus drôle de la terre. 
Puis on est revenus vers le bord en pataugeant lourdement comme des robots, faisant jaillir des gerbes d’eau à chacun de nos pas. Tout au bord, ma princesse m’a pris la main et j’ai senti que je grandissais jusqu’au toit du monde. Sur ma peau, les gouttes d’eau ruisselaient froides, mais délicieusement froides, au point que j’en frissonnais. Avec beaucoup d’autorité, Manon m’a frictionné de sa serviette, comme seule jusqu’alors Maman savait le faire. Puis elle a pris un air de Marilyn et elle m’a murmuré : - Tu sais que t’es mignon, toi ? Non je ne le savais pas. Cependant, pour la première fois, je me sentais quelqu’un d’important. 
On n’avait qu’une serviette pour deux. D’habitude je me roulais à même le sable chaud. Manon a bien voulu partager la sienne et j’ai osé lui reprendre la main… en regardant discrètement au loin si personne ne nous voyait. Elle a mis de grosses lunettes qui lui donnaient un air rigolo de fourmi, et elle est restée silencieuse, comme les stars qui bronzent au soleil. Puis d’une petite voix nonchalante, elle a soufflé : - Tout à l’heure, si tu veux bien, tu me passeras de la crème. J’ai peur d’attraper un coup de soleil. Et j’ai prié, prié, prié… pour que les gros nuages qui commençaient à noircir le ciel s’éloignent…ne viennent pas tout gâcher… et me laissent effleurer du bout des doigts la peau si belle de ma princesse d’été.

4 commentaires :

  1. C'est mimiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii :D

    Le charme jouissif des premières fois de la prime jeunesse ;)

    Excellent choix bella :)

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    1. Ah oui... ces incomparables "amours d'enfance"... :-) On ne les oublie jamais !

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  2. très sympa ce texte
    j'espère que tu vas bien
    besos
    tilk

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    1. Tilk ! Quel plaisir ! Oui je vais très bien. Que deviens-tu ? Puisque tu me fais la surprise de passer chez moi, je me téléporte immédiatement chez toi ! A tout de suite ! ;-)

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