On recommande aux
enfants, en cours de français, de ne pas faire des phrases trop
longues, mais certains auteurs classiques tels que Victor Hugo ou Marcel Proust n’ont
pas vraiment respecté ce principe. Chez Proust, par exemple les phrases
comptent en moyenne 43 mots contre une vingtaine en moyenne chez les
écrivains de langue française.
Dans Les Misérables de Victor
Hugo la phrase la plus longue contient 823 mots mais Marcel
Proust fait mieux dans La Recherche puisque on trouve dans Sodome et Gomorrhe une
phrase de 856 mots !
Phrase la plus longue (SG
614/16 ) :
"Sans honneur que précaire,
sans liberté que provisoire, jusqu’à la découverte du crime; sans situation
qu’instable, comme pour le poète la veille fêté dans tous les salons, applaudi
dans tous les théâtres de Londres, chassé le lendemain de tous les garnis sans
pouvoir trouver un oreiller où reposer sa tête, tournant la meule comme Samson
et disant comme lui: “Les deux sexes mourront chacun de son côté”; exclus même,
hors les jours de grande infortune où le plus grand nombre se rallie autour de
la victime, comme les juifs autour de Dreyfus, de la sympathie – parfois de la
société – de leurs semblables, auxquels ils donnent le dégoût de voir ce qu’ils
sont, dépeint dans un miroir, qui ne les flattant plus, accuse toutes les tares
qu’ils n’avaient pas voulu remarquer chez eux-mêmes et qui leur fait comprendre
que ce qu’ils appelaient leur amour (et à quoi, en jouant sur le mot, ils
avaient, par sens social, annexé tout ce que la poésie, la peinture, la
musique, la chevalerie, l’ascétisme, ont pu ajouter à l’amour) découle non d’un
idéal de beauté qu’ils ont élu, mais d’une maladie inguérissable; comme les
juifs encore (sauf quelques-uns qui ne veulent fréquenter que ceux de leur
race, ont toujours à la bouche les mots rituels et les plaisanteries
consacrées) se fuyant les uns les autres, recherchant ceux qui leur sont le
plus opposés, qui ne veulent pas d’eux, pardonnant leurs rebuffades, s’enivrant
de leurs complaisances; mais aussi rassemblés à leurs pareils par l’ostracisme
qui les frappe, l’opprobre où ils sont tombés, ayant fini par prendre, par une
persécution semblable à celle d’Israël, les caractères physiques et moraux
d’une race, parfois beaux, souvent affreux, trouvant (malgré toutes les
moqueries dont celui qui, plus mêlé, mieux assimilé à la race adverse, est
relativement, en apparence, le moins inverti, accable celui qui l’est demeuré
davantage), une détente dans la fréquentation de leurs semblables, et même un
appui dans leur existence, si bien que, tout en niant qu’ils soient une race
(dont le nom est la plus grande injure), ceux qui parviennent à cacher qu’ils
en sont, ils les démasquent volontiers, moins pour leur nuire, ce qu’ils ne
détestent pas, que pour s’excuser, et allant chercher comme un médecin
l’appendicite l’inversion jusque dans l’histoire, ayant plaisir à rappeler que
Socrate était l’un d’eux, comme les Israélites disent de Jésus, sans songer
qu’il n’y avait pas d’anormaux quand l’homosexualité était la norme, pas
d’anti-chrétiens avant le Christ, que l’opprobre seul fait le crime, parce
qu’il n’a laissé subsister que ceux qui étaient réfractaires à toute
prédication, à tout exemple, à tout châtiment, en vertu d’une disposition innée
tellement spéciale qu’elle répugne plus aux autres hommes (encore qu’elle
puisse s’accompagner de hautes qualités morales) que de certains vices qui y
contredisent comme le vol, la cruauté, la mauvaise foi, mieux compris, donc
plus excusés du commun des hommes; formant une franc-maçonnerie bien plus
étendue, plus efficace et moins soupçonnée que celle des loges, car elle repose
sur une identité de goûts, de besoins, d’habitudes, de dangers,
d’apprentissage, de savoir, de trafic, de glossaire, et dans laquelle les
membres mêmes, qui souhaitent de ne pas se connaître, aussitôt se reconnaissent
à des signes naturels ou de convention, involontaires ou voulus, qui signalent
un de ses semblables au mendiant dans le grand seigneur à qui il ferme la
portière de sa voiture, au père dans le fiancé de sa fille, à celui qui avait
voulu se guérir, se confesser, qui avait à se défendre, dans le médecin, dans
le prêtre, dans l’avocat qu’il est allé trouver; tous obligés à protéger leur
secret, mais ayant leur part d’un secret des autres que le reste de l’humanité
ne soupçonne pas et qui fait qu’à eux les romans d’aventure les plus
invraisemblables semblent vrais, car dans cette vie romanesque, anachronique,
l’ambassadeur est ami du forçat: le prince, avec une certaine liberté d’allures
que donne l’éducation aristocratique et qu’un petit bourgeois tremblant
n’aurait pas en sortant de chez la duchesse, s’en va conférer avec l’apache;
partie réprouvée de la collectivité humaine, mais partie importante, soupçonnée
là où elle n’est pas, étalée, insolente, impunie là où elle n’est pas devinée;
comptant des adhérents partout, dans le peuple, dans l’armée, dans le temple,
au bagne, sur le trône; vivant enfin, du moins un grand nombre, dans l’intimité
caressante et dangereuse avec les hommes de l’autre race, les provoquant,
jouant avec eux à parler de son vice comme s’il n’était pas sien, jeu qui est
rendu facile par l’aveuglement ou la fausseté des autres, jeu qui peut se
prolonger des années jusqu’au jour du scandale où ces dompteurs sont dévorés;
jusque-là obligés de cacher leur vie, de détourner leurs regards d’où ils
voudraient se fixer, de les fixer sur ce dont ils voudraient se détourner, de
changer le genre de bien des adjectifs dans leur vocabulaire, contrainte
sociale, légère auprès de la contrainte intérieure que leur vice, ou ce qu’on
nomme improprement ainsi, leur impose non plus à l’égard des autres mais
d’eux-mêmes, et de façon qu’à eux-mêmes il ne leur paraisse pas un vice."
(Celui qui la lit en entier
mérite une récompense !) lol
A noter - c'est amusant - que la phrase,
peut-être la plus connue de l’œuvre de Proust, la première phrase de son œuvre
majeure « A la recherche du temps perdu » est une des plus courtes,
elle ne compte que 8 mots :
"Longtemps je me suis couché
de bonne heure."
Source : http://proust-personnages.fr/
Assez facile à lire, une fois mis dans Word avec un interligne de 14 points, et des espaces avant les ";" et ":". Car il ne s'agit que d'une énumération. Quelques virgules auraient rendues certains passages plus faciles
RépondreSupprimer"Quelques virgules auraient rendu certains passages plus faciles"... possible... :-) Mais il faut quand même un certain courage pour "s'attaquer" à cette phrase interminable !!! lol
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