La conversation vint sur Yquem qu’alors je n’avais jamais bu… lorsqu’apparut la glace au miel et au chocolat, Denis Mollat me demanda ce que je souhaitais : quel flacon ? Je suis fou de chocolat autant que de vins et n’aspire à gâcher ni l’un ni l’autre par un champagne ou un porto. De l’eau. Pour sa part, Denis Mollat m’invita à lui faire confiance, à le suivre dans son délire d’affinité singulière et désigna au sommelier, sur la carte, une bouteille en s’inquiétant de sa température et de sa capacité à être bue dans l’heure. …. je reconnus l’étiquette de la bouteille qu’on avançait. J’eus envie de m’enfuir, de quitter la table, de parler, de protester, de refuser. C’était Yquem, bien sûr, 1979.
Etait-ce le moment ? Y avait-il opportunité ? Je me sentais dans l’état d’inquiétude de qui s’est longuement préparé pour une occasion dont, soudain, la venue semble prématurée. N’avais-je pas, en parlant d’Yquem, sollicité des dépenses somptueuses et une magnificence hors de propos ? Comment reculer, esquiver, remonter le temps pour n’avoir pas à connaître cet état déstabilisant ? J’avais imaginé mille occasions pour ce jour unique, toutes plus différentes les unes que les autres, toutes associées à des faits singuliers, rêvés, construits comme des cathédrales. J’avais pensé fêter un événement à la dimension. Et c’est l’événement qui lui-même devenait une fête.
[…]
Tout s’était suspendu, arrêté. Les bruits du restaurant vibrionnaient dans ma tête, je n’osais croiser le regard de mon commensal. L’émotion avait gagné mon ventre et mes muscles, ma chair et ma peau. Tout était tendu, comme installé dans ces zones blanches où l’on ne sait si ce qui va sortir de notre bouche sera un cri, un sanglot ou un mot brisé. (Michel Onfray, La raison gourmande)
Etait-ce le moment ? Y avait-il opportunité ? Je me sentais dans l’état d’inquiétude de qui s’est longuement préparé pour une occasion dont, soudain, la venue semble prématurée. N’avais-je pas, en parlant d’Yquem, sollicité des dépenses somptueuses et une magnificence hors de propos ? Comment reculer, esquiver, remonter le temps pour n’avoir pas à connaître cet état déstabilisant ? J’avais imaginé mille occasions pour ce jour unique, toutes plus différentes les unes que les autres, toutes associées à des faits singuliers, rêvés, construits comme des cathédrales. J’avais pensé fêter un événement à la dimension. Et c’est l’événement qui lui-même devenait une fête.
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Tout s’était suspendu, arrêté. Les bruits du restaurant vibrionnaient dans ma tête, je n’osais croiser le regard de mon commensal. L’émotion avait gagné mon ventre et mes muscles, ma chair et ma peau. Tout était tendu, comme installé dans ces zones blanches où l’on ne sait si ce qui va sortir de notre bouche sera un cri, un sanglot ou un mot brisé. (Michel Onfray, La raison gourmande)
Et pour accompagner cette fine délicatesse, cette réjouissance des sens et des mœurs si j'ose dire ;-) voilà quelques poèmes de papa publiés il y a juste quelques jours dans la revue numérique "Recours au poème"
RépondreSupprimerhttp://www.recoursaupoeme.fr/abderrahmane-djelfaoui/l%E2%80%99insolation-d%E2%80%99emp%C3%A9docle
Belle journée chère Alice :-)
Belle nuit, Yasmine ! ;-)
Supprimer"voilà quelques poèmes de papa publiés il y a juste quelques jours..." Merci beaucoup de nous permettre d'y avoir accès ! Les poèmes de ton père sont superbes et nous font voyager loin, très loin, au bord de la mer à la lisière du ciel... :-)
J'avais besoin, aujourd'hui, des sucs les plus Hauts, les plus Rares et les plus Savoureux. Je suis reconnaissante à Monsieur Onfray d'exhaler ainsi (du ressort du Divin, de l'inaccessible sauf à lui...) les émotions de nos âmes, nos papilles et nos synapses. (et merci à la petite souris qui nous a ressorti ces "flacons" du placard. Merciiiiiiiii <3
RépondreSupprimerNelly
Ce commentaire prouve que tu es une femme qui sait bien vivre ! :-)
SupprimerC'est une gentille remarque... Sur l'échelle des valeurs, ce doit être un petit peu plus compliqué, je crois bien. Au musicien et à l'écrivain, à l'artiste peintre et au tresseur de paniers d'osier (ooh, le sympathique vannier :)... j'enrage de n'être que contemplative-admirative... Il en faut, je sais bien... tout de même ! une toute petite prédisposition m'aurait fait plaisir. La volonté seule ne suffit pas ! Mais :D je raconte "La petite chèvre de Monsieur Seguin" comme personne ! :D
RépondreSupprimerJe suis convaincue que tu as bien d'autres talents ! :-) Par exemple, tu es certainement un cordon bleu... je me trompe ?
SupprimerJe réussis particulièrement bien les sardines "primeur" des Dieux... confites à l'huile d'olive, pêche de printemps... (une tuerie, dirait ma copine Eva :) http://www.emadeinfrance.com/index.php?id_product=208&controller=product
RépondreSupprimerJ'ai des bases en cuisine, moui. Le goût du simple, disons. Verrines et mignardises me font sourire :) Une omelette aux champignons, persil... autre tuerie... :) Je n'ai surtout plus envie de consacrer du temps à la cuisine. Alors... 2 fois par mois... c'est bien. Et toi ? avec tout ton électroménager ? tu fais des prouesses ?
Réponse demain soir ! Je file me coucher maintenant... pour pas avoir une tête catastrophique demain ! ;-)
SupprimerBonne nuit et bon lundi, Nelly !
Tu me fais bien rire avec tes sardines à l'huile !!! lol
SupprimerAlors... je suis très gourmande, bien plus de "salé" que de "sucré"... J'aime donc bien préparer de bonnes choses mais je n'ai (ne prends) pas assez de temps pour cuisiner. Donc... j'adore aller au restaurant (de bon niveau) ! ;-)
"Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de Pont l'Évêque envièrent à Mme Aubain sa servante Félicité.
RépondreSupprimerPour cent francs par an, elle faisait la cuisine et le ménage, cousait, lavait, repassait, savait brider un cheval, engraisser les volailles, battre le beurre, et resta fidèle à sa maîtresse, qui cependant n'était pas une personne agréable..." Gustave Flaubert Trois contes, Un coeur simple. J'aime bien... Il faut absolument que je lise la suite... :)
Tu me motiverais presque ! J'ai déjà envie d'en savoir plus sur Félicité ! lol
SupprimerMerci pour cet extrait flaubertien, Nelly... :-)
"... Ils se rencontraient au fond des cours, derrière un mur, sous un arbre isolé. Elle n'était pas innocente à la manière des demoiselles, les animaux l'avaient instruite ; mais la raison et l'instinct de l'honneur l'empêchèrent de faillir. Cette résistance exaspéra l'amour de Théodore, si bien que pour le satisfaire (ou naïvement peut-être) il proposa de l'épouser. Elle hésitait à le croire. Il fit de grands serments." (ben dis donc... Toujours "Un coeur simple"... )
RépondreSupprimerIl s'agit là toujours de Félicité ?
SupprimerJ'ai bien peur qu'elle se fasse avoir... elle devrait se méfier de Théodore.
Baah.. l'Histoire qui se reproduit sans fin... (les murs ne sont plus de pierres, c'est tout). Autrement ? n'est-ce pas délicat, cette expression : "Elle n'était pas innocente à la manière des demoiselles, les animaux l'avaient instruite." pour parler de... "ça"... :D et puis encore "la raison et l'instinct de l'honneur"... pour un "coeur simple"...
RépondreSupprimer... c'était une autre époque et ces "expressions" nous paraissent - heureusement - poussiéreuses !!! Il fait bon vivre au XXIe siècle (ici... pas partout...) !
Supprimer"la raison et l'instinct de l'honneur"... en désuétude... "JE SUIS" dé-su-ète ! j'adore, j'assume et j'en redemande. Poussiéreuse ou pas, m'en fiche :D
RépondreSupprimerJ'trouve ça trop sérieux. Envie de m'amuser !
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