Lorsque nous étions réunis à table et que la soupière fumait, Maman disait parfois :
- Cessez un instant de boire et de parler.
Nous obéissions.
- Regardez-vous, disait-elle doucement.
Nous nous regardions, sans comprendre, amusés.
- C'est pour vous faire penser au bonheur, ajoutait-elle.
Nous n'avions plus envie de rire.
Une maison chaude, du pain sur la nappe, des coudes qui se touchent, voilà le bonheur, répétait-elle à table, puis le repas reprenait tranquillement.
Nous pensions au bonheur qui sortait des plats fumants qui nous attendait au soleil, dehors, et nous étions heureux.
Papa tournait la tête, comme nous, pour voir le bonheur jusque dans le fond du corridor, en riant, parce qu'il se sentait visé.
Il disait à ma mère : « Pourquoi tu nous y fais penser à ce bonheur ? »
Elle répondait : « Pour qu'il reste avec nous, le plus longtemps possible … »
(Félix Leclerc, Les pieds nus dans l'aube)
Josef Israels, Famille de paysans à table (1882)
Merci Amande douce !
Magnifique texte; ma maman aimait F.Leclerc et chantait avec nous ses chansons. Le bonheur est là, le tout est d'y faire attention!
RépondreSupprimerAh bon ? C'est James ? Il me semblait que c'était moi qui t'avais fait découvrir ce beau texte...que j'avais découvert sur un blog. C'est peut-être nous deux...
RépondreSupprimerL'important c'est de partager ce qui est beau. Je t'aime, Alice !
RépondreSupprimerC'est trop beau ! On devrait se dire cela tous les jours !
RépondreSupprimerJe trouve aussi !
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