Le petit monde d'Alice

jeudi 3 janvier 2013

Publié par Alice - 4 commentaires

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Il était une fois un garçon nommé Igor, qui voulait voir la mer.


Drôle d’idée me direz-vous, quand justement on habite au centre d’un continent aussi éloigné du Pacifique que de l’Atlantique.
La mer ? Personne ici ne pouvait se l’imaginer, personne n’y était jamais allé.
On ne connaissait que le grand fleuve, les rivières, les innombrables sources, et ma foi, on s’en trouvait très bien. Sauf Igor !


L’un de ses cousins, marin au service de l’empereur, avait tenté de lui décrire la mer, et depuis, Igor en rêvait la nuit, et même le jour, quand il travaillait aux champs ! Il avait une immensité bleue dans la tête. Il ne pouvait se confier à personne car on l’aurait traité de fou. Alors, il mitonnait son idée tout seul :
"Un jour, je partirai, je marcherai droit devant moi, le temps qu’il faudra. Mais j’y parviendrai."

Un matin de printemps, il ne put y tenir davantage, et il partit. A tous il dit qu’il allait chercher un trésor, un filon d’or ou une mine de diamants. Les gens de sa famille hochèrent la tête : cet enfant-là n’avait jamais été comme les autres. Mais après tout, puisque c’était son idée …

Quand il eut perdu de vue le clocher de son village, Igor s’arrêta. Il ne savait même pas quelle direction prendre. A tout hasard, il décida de marcher vers l’ouest : on lui avait dit que lorsque le soleil se couchait, il s’enfonçait dans la mer. Il avait douze ans, de grands cheveux noirs et les poches percées.

Il marchait ; ses pieds le portaient le long des collines et des plaines.
Comme il n’avait pas d’argent, il était obligé de s’arrêter souvent, afin de gagner son pain.
Il fut successivement pâtre sur les flancs d’une montagne, gardien de dindons, montreur d’ours, garçon d’écurie …
Quand il avait amassé quelques sous, il saluait la compagnie et reprenait sa route. Quelquefois, il questionnait ceux qu’il croisait :
- Savez-vous si elle est encore loin ? demandait-il ?
- Et qui ça, mon garçon ?
- La mer, bien sur !
Les gens haussaient les épaules, hochaient la tête et s’éloignaient.

A ce rythme, il n’avançait guère et les années passaient. Il avait fini par franchir les frontières de son immense pays. Et il était devenu un homme.
Un jour, Igor s’arrêta dans une ferme pour aider aux moissons. La fille de la maison était si belle qu’il en oublia sa quête. Elle s’appelait Madrépore et avait les yeux bleus, si bleus, qu’il ne pensa plus au bleu de l’océan.
Ils se marièrent au printemps ; un garçon naquit l’année suivante puis une fille et une autre encore. Pour assurer l’avenir de ses enfants, il plantait un noyer à chaque naissance. En apparence, Igor s’était transformé en riche fermier, conscient de ses devoirs.
En apparence seulement, car lorsqu’il était seul, lorsque le travail de la terre lui laissait quelque répit, son vieux désir le reprenait, plus fort que jamais.
Mais quoi, il lui fallait bien élever ses enfants !
" Quand ils seront grands, je repartirai " se disait-il !

Les années passèrent. Les noyers qu’il avait plantés pour la naissance de l’aîné donnaient maintenant de l’ombre, les cheveux noirs d’Igor avaient grisonnés, puis blanchi. Bientôt, il maria ses enfants.

Puis, un triste jour, il enterra Madrépore aux yeux bleus. Alors, au milieu de sa peine, le vieux désir revint en lui, aussi frais, aussi ardent que lorsqu’il avait douze ans : la mer l’attendait.
Il partagea ses biens, embrassa ses enfants, et les enfants de ses enfants, puis se remit en route vers l’ouest.

Oh ! Il n’avançait plus au même rythme, il avait oublié les chansons qu’il fredonnait autrefois, mais il cheminait, il cheminait !
Un jour enfin, il crut sentir dans le vent une odeur inconnue faite de sel et d’iode. Ce soir-là, il dormit sous un chêne et se leva avec le soleil. Le cœur battant, il avançait. Sans crier gare, la mer, d’un coup fut devant lui ! Plus belle encore, plus immense et plus bleue que tout ce qu’il avait imaginé durant sa vie.
- Je suis arrivé, murmura-t-il en s’asseyant sur un rocher.

Que dire de plus ?

Il était une fois un vieillard aux cheveux blancs, nommé Igor, et qui contemplait la mer.

 

(Yvon Mauffret, L'ogre des mers, et autres contes de mer)

 

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4 commentaires :

  1. Salut alice. Désolé de passer par le commentaire. Tu as mis un post avec Grooveshark  C'est quoi et comment ça marche ? J'ai des problèmes avec DEEZER. Merci de m'éclairer. Je te souhaite mes meilleurs voeux

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  2. Vivez vos rêves, c'est ma devise !

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  3. Quel long parcours de vie pour Igor ... cela est impressionnant ...

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