Chapitre 7
Paul s’avança, le pas hésitant, comme s’il marchait vers un souvenir qu’on n’est pas certain de retrouver intact.
Léa ne bougea pas. Elle le regarda, non pas avec rancune, mais avec cette distance que donnent les jours passés à se reconstruire seule. Elle avait lu sa lettre. Elle l’avait relue. Mais elle n’était plus celle qui l’attendait.
— Tu es revenu, dit-elle simplement.
Il baissa la tête, embarrassé, triturant le sac de pommes.
— Je ne savais pas si je le devais.
Un silence. Puis Léa sourit, doucement.
— Tu ne le devais pas. Mais tu l’as fait. Et maintenant ?
Ils étaient là, tous les deux, sur la place ensoleillée, les cigales en fond sonore, les volets claquant au vent comme autant de possibles qui s’ouvrent.
— Je n’attends plus rien, tu sais, dit-elle. Ni excuses. Ni explications. Ce village, il m’a appris à m’écouter. À me choisir.
Paul sourit à son tour, un peu triste.
— Je suis content que tu sois restée. Ce village… je crois qu’il a plus besoin de toi que de moi.
Léa hocha la tête. Elle pensait à la maison qu’elle avait commencé à repeindre, aux enfants qu’elle aidait à la bibliothèque, à la vieille Magali qui comptait sur elle pour les lectures de l’après-midi. Elle n’était plus une femme qui attend. Elle était une femme qui construit.
— Tu veux une pomme ? demanda Paul.
Elle prit le fruit, le tourna dans sa main, le croqua. Le goût était vif, sucré, gorgé de lumière. Le présent avait ce goût-là : ni amer, ni parfait. Juste vrai.
— Merci, dit-elle. Pour la pomme. Et pour la lettre.
Il hocha la tête. Puis, sans insister, il repartit. Léa le suivit des yeux, puis s’éloigna elle aussi, dans une autre direction. Un chat trottinait dans son sillage. Elle sourit.
Ce jour-là, Léa avait compris une chose : certaines pages se ferment seules, sans fracas. Et d’autres s’ouvrent en silence.
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