Chapitre 4
Le soleil tombait droit dans l’eau, rouge comme un fruit mûr. Nora marchait pieds nus sur la digue, sa robe collée à ses jambes par l’air chaud et moite. Elle tenait un petit carnet dans lequel elle avait noté, en lettres minuscules :
« Aujourd’hui, je n’ai demandé la permission de rien. »
Elle se sentait étrangère et libre à la fois — comme si ce corps, longtemps plié, retrouvait soudain une verticalité nouvelle. C’est là qu’elle vit Yasmine, assise en tailleur sur les galets, en train de lire un recueil de poèmes d’Etel Adnan à voix haute, pour personne et pour tout le monde.
— Tu lis pour les fantômes ? demanda Nora en s’approchant.
— Non, répondit Yasmine, pour les femmes qui n’ont jamais eu le temps.
Elles se regardèrent en silence. Puis, comme si cela allait de soi, Nora s’assit à ses côtés. Le vent tourna, les pages tremblèrent, et les deux femmes rirent d’un rire léger et vaste, comme une promesse.

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