Deux personnes m’ont demandé où trouver le début du roman…
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Chapitre 7
À midi pile, un taxi se gara devant la maison. Une femme mince, élégamment vêtue d’une robe bleu nuit, en descendit avec lenteur. Elle portait un châle de lin blanc, des bracelets fins et un regard d’une intensité brûlante. Pas un mot de trop, pas un geste inutile.
— Nora, ma fille de papier, dit-elle en souriant.
Elles s’embrassèrent longuement. Nora avait les yeux humides. Elle ne l’avait pas revue depuis plus de dix ans.
Madame Salama salua Léa et Yasmine avec la courtoisie de ceux qui ont vécu plusieurs vies. Elle s’installa à l’ombre du figuier, demanda un verre d’eau fraîche, et observa.
Très vite, les conversations reprirent. Mais quelque chose avait changé. La vieille femme imposait sans violence un rythme différent. Elle laissait les silences exister. Elle regardait les visages comme on regarde une énigme à aimer, pas à résoudre.
— Vous savez, dit-elle à un moment, pendant longtemps, on m’a appris à me taire. Sur tout. Mon corps, mes désirs, mes colères. Mais le silence aussi peut être une révolte, à condition de savoir quand le rompre.
Léa l’écoutait, suspendue.
— Et quand avez-vous décidé de parler ? demanda-t-elle.
— Aujourd’hui. Ici. Avec vous.
Et alors, tout doucement, dans un après-midi tiède, elle raconta.
Son départ d’Algérie dans les années 60. Sa jeunesse brisée par des promesses non tenues. Le mariage imposé. Les années d’exil à Paris, puis Marseille. Le jour où elle avait découvert la poésie de Forough Farrokhzad, et où elle avait su que le feu ne meurt pas, il couve.
Personne ne prit de notes. Personne ne l’interrompit. Mais chacune, en son for intérieur, grava ses mots.
Lorsque le vent se leva, emportant quelques feuilles sèches au jardin, Madame Salama se leva, remit son châle sur les épaules, et murmura :
— Ici, je sens que quelque chose recommence.
Elle n’était venue que pour deux jours. Elle allait rester tout l’été.

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