Chapitre 6
Il faisait chaud, déjà, dès le matin. Le ciel n’offrait aucune brume, aucun filtre. La lumière tombait nette sur les murs blancs de la maison de Nora, découpant des ombres précises sur le carrelage ocre de la terrasse.
Yasmine avait déjà préparé le café. Léa, pieds nus, feuilletait un vieux recueil de poèmes de René Char trouvé dans la bibliothèque du salon. Elle aimait ce qu’elle appelait « les mots qui grincent et consolent en même temps ».
— Tu lis de la poésie ? demanda Yasmine en s’asseyant près d’elle, une tasse à la main.
— Pas avant. Maintenant… je crois que j’en ai besoin. C’est comme de l’eau pour des choses qu’on ne sait pas nommer.
Yasmine acquiesça sans répondre. Elle comprenait.
Depuis son arrivée, elle dormait beaucoup. Elle disait que c’était les mois d’insomnie qui se vengeaient. Mais c’était plus que cela : dans cette maison, elle se sentait autorisée à baisser la garde. À ne plus sauver personne. À ne plus porter de masque.
Nora, ce matin-là, était montée chercher une vieille nappe brodée par sa grand-mère maternelle. Elle préparait l’arrivée d’une invitée particulière : Madame Salama.
— Elle a 82 ans, elle est veuve depuis une vingtaine d’années, précisa-t-elle. C’est elle qui m’a appris l’arabe littéraire. Une femme de feu. Et de silence aussi. Tu verras.
Elle était attendue pour le déjeuner.

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