Chapitre 3
Nora n’avait jamais cherché à devenir un point de ralliement. Depuis toujours, elle aimait les silences, les marges, l’invisibilité choisie. Mais quelque chose, en 2025, avait changé — pas seulement dehors, dans le tumulte politique et les promesses de lois nouvelles, mais aussi dedans, dans le cœur même de son été.
Depuis quelques jours, la maison ne résonnait plus de la seule rumeur du mistral. Léa, avec ses pieds nus et ses cheveux toujours en bataille, s’était installée dans la petite chambre verte, celle qui donnait sur les lauriers-roses. Elle écrivait sur de vieux carnets à spirale, lisait à haute voix parfois, posait mille questions. Elle avait ramené un vent d’adolescence curieuse, de colère vivante et d’espoir têtu.
— Tu crois qu’on peut vraiment changer les choses ? demandait-elle souvent à Nora, le menton dans la main, les yeux dans le vide.
— Pas en un jour. Mais en choisissant ce qu’on transmet, répondait Nora. Et en osant s’assembler.
Léa prenait alors des notes, comme si ces phrases pouvaient être utiles un jour, ailleurs. Peut-être…
Le mistral soufflait fort ce soir-là. Il emportait les pensées anciennes, les vieilles injonctions. Nora sortit un vieux drap blanc et, avec Léa, le fixa entre deux arbres comme un écran improvisé. Elles y projetèrent un vieux film de femmes qui marchaient seules, libres.
— Tu crois que ça peut vraiment durer ? Ce moment ? demanda Léa.
Nora haussa les épaules.
— Peut-être pas. Mais on peut l’ancrer en nous.

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