Dans un petit jardin qu’elle soigne avec amour, une femme aime particulièrement une allée couverte de rosiers grimpants. Je la taquinais car, un sécateur d’une main, un panier de l’autre, je la voyais continuellement épurer sa roseraie de toute fleur fanée : ses roses devaient briller de l’éclat continuel de leur nouveauté.
Dernièrement, je la trouvai sans sécateur et sans panier :
- Qu’arrive t-il donc ?
Elle sourit :
- Vous allez me comprendre, car c’est peut-être vous qui m’avez fait entendre ce que ma chasse aux fleurs fanées avait de … dangereux. Dans mes rosiers si frais où éclatent le rouge, le rose, le blanc pur et cette nuance-thé si exquisement émue de carmin, j’en étais arrivée à ne plus voir que les pétales jaunis. Je ne jouissais plus de la beauté de l’ensemble, fascinée par de petits défauts. J’ai donc pris la décision de ne me livrer désormais au nettoyage de la roseraie qu’une fois par jour, et tout le reste du temps, je la contemple en paix…
Voilà une femme qu’un brin de réflexion a rendue sage. A nous de nous demander si nous n’agissons pas envers nous-mêmes, notre pays, le monde, ainsi qu’elle le faisait, alors qu’un sécateur ne la quittait pas. Certes, il faut travailler à éliminer ce qui est mort, mais c’est la vie triomphante qu’il faut contempler.
(Marcelle Auclair, Le Livre du bonheur)
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