Le petit monde d'Alice

lundi 1 octobre 2018

Publié par Alice - 0 commentaire

, ,


Ah, chère Âme courageuse...
Bienvenue...
Entre, entre donc...
Je t'attendais... oui, toi et ton esprit ! Je suis heureuse que tu aies trouvé le chemin...
Viens, assieds-toi auprès de moi. Laissons un peu de côté "toutes ces choses qu'il nous reste à faire". Nous aurons le temps plus tard. Le jour lointain où nous nous présenterons à la porte du paradis, je t'assure qu'on ne nous demandera pas si nous avons bien manié le balai. On nous interrogera sur la profondeur de l'existence que nous aurons choisi de vivre plutôt que sur le nombre de "broutilles essentielles" par lesquelles nous nous serons laissé déborder.
Donc, pour le moment, autorisons-nous quelques calmes pensées avant de reparler du monde et de son tumulte... Installe-toi sur cette chaise. Elle me paraît convenir à ton corps précieux. Bien. Maintenant, prends une longue inspiration... Laisse tes épaules retomber, retrouver leur forme naturelle. N'est-ce pas agréable de respirer cet air pur, tout simplement ? Inspire encore. Voilà... Je t'attends... Tu vois ? Tu es plus calme, maintenant, plus présente.
J'ai allumé le feu juste pour nous ; il brûlera jusqu'au bout de la nuit, assez longtemps pour accompagner toutes les "histoires dans les histoires" à venir. Accorde-moi quelques instants, le temps de finir de nettoyer la table avec de la menthe fraîche. On va sortir le beau service et boire ce qui est réservé "aux grandes occasions". Les "grandes occasions", ce sont en fait celles que l'âme préside. Tu as remarqué ? Cette tendance à trop vouloir "réserver", c'est la façon un peu grognon qu'a le moi de faire savoir que pour lui, l'âme ne mérite pas qu'on mette chaque jour les petits plats dans les grands. Eh bien si, elle le mérite.
Restons donc assises ensemble, comadre *, rien que nous deux... et l'esprit qui se crée chaque fois que deux âmes, ou plus, se réunissent dans l'attention et le respect mutuels, chaque fois que deux femmes ou plus parlent "des sujets qui comptent vraiment". Ici, dans ce refuge à l'écart de tout, l'âme est autorisée... et encouragée à dire le fond de sa pensée.
Ici, ton âme est en bonne compagnie. Ici, à la différence du monde extérieur, ton âme est en sécurité. Détends-toi, comadre, ton âme est en sécurité.
Si tu es venue me voir, c'est peut-être parce que tu souhaites vivre de manière à connaître le bonheur d' "être jeune dans la vieillesse et vieille dans la jeunesse", comme je le dis, c'est-à-dire à avoir en toi un bel ensemble de paradoxes maintenus dans un équilibre parfait. N'oublie pas que le terme paradoxe est à prendre au sens d'idée contraire au sens commun. Cela s'applique à la grand-mère, la gran madre, la plus grande des femmes, car elle est en train de devenir une femme sage, qui assure la cohésion des capacités de la psyché profonde, illogiques en apparence, mais fondamentalement empreintes de grandeur.
Ces grands attributs paradoxaux sont, globalement : posséder la sagesse tout en cherchant sans cesse à apprendre ; être à la fois spontanée et fiable ; follement créative et constante ; audacieuse et vigilante ; entretenir la tradition et posséder une authentique originalité. Tu verras, je l'espère, que tu possèdes dans une certaine mesure tous ces attributs, que ce soit en puissance, en partie ou intégralement.
Si tu es intéressée par ces contradictions divines, tu es intéressée par l'archétype mystérieux et fascinant de la femme sage, dont la grand-mère est l'une des représentations symboliques. L'archétype de la femme sage appartient aux femmes de tout âge et il se manifeste de manière unique, sous des formes particulières, dans la vie de chacune d'entre elles.
Parler de l'imago profonde de la grand(e) mère en tant que l'un des aspects majeurs de l'archétype de la femme sage n'est pas parler de l'âge chronologique ou d'une étape de la vie féminine. Une grande perspicacité, une grande prescience, une grande paix, une grande expansivité, une grande sensualité, une grande créativité, une grande acuité et une grande audace dans l'acquisition des connaissances, c'est-à-dire ce qui fait la sagesse, n'arrive pas d'un coup, à un certain âge, et ne vient pas se poser comme un manteau sur les épaules d'une femme.
Une grande clarté de l'esprit et de la perception, l'amour dans ce qu'il a de plus grand, une grande connaissance de soi, ample et profonde, la sagesse qui croît en finesse au fur et à mesure qu'on l'applique... tout cela constitue toujours "une œuvre en cours" quel que soit le nombre des années. Souvent, c'est à travers les accidents de la vie, envols de l'esprit, erreurs de parcours et nouveaux départs qui interviennent à mi-parcours, ou plus tôt, ou plus tard, que l'on construit la "grandeur", par rapport au simple "ordinaire". Ce qui est récolté après la catastrophe ou la bonne fortune... l'esprit, le cœur, le mental et l'âme de la femme le forment, puis le mettent en pratique... jusqu'à ce qu'elle ne soit pas seulement compétente à sa manière paradoxalement sage... mais souvent aussi maîtresse de sa façon de vivre, de voir et d'exister.
* Comadre. En espagnol, ce terme signifie à quelque chose près : "Je suis ta mère et en même temps tu es ma mère". Il sert à décrire une relation de grande proximité entre des femmes qui veillent les unes sur les autres, sont à l'écoute des unes des autres et s'apportent des enseignements mutuels.
(Clarissa Pinkola Estés, La Danse des grand-mères)


0 commentaire

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...

Recherche :

Fourni par Blogger.