Le petit monde d'Alice

mercredi 4 avril 2018

Publié par Alice - 0 commentaire

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Camille, 13 ans, souffre de troubles cognitifs. Adrien, 17 ans, est violent et manque de confiance en lui. Handicapé par les séquelles d’un accident de la route, Dominique, 44 ans, a développé une dépression. Bernard, 75 ans, souffre de la maladie d’Alzheimer. Jean, 41 ans, est entré en unité palliative, en raison de son cancer en phase terminale.
Leur point commun ? Tous ont été inclus dans un protocole d’art-thérapie. Et tous ont vu leur état physique, cognitif ou émotionnel s’améliorer. Nul besoin toutefois d’être victime d’une pathologie lourde pour bénéficier des bienfaits de la pratique artistique : les recherches montrent que de simples séances de dessin ou de coloriage, que chacun peut pratiquer, diminuent le stress.

Pour le psychologue israélien Son Preminger, l’art est une expérience totale, à la fois perceptuelle, émotionnelle et personnelle. Il agit alors à plusieurs niveaux. D’une part, il stimule les sensations et les émotions, ainsi que la motricité (quand on danse, que l’on dessine, que l’on modèle de l’argile…). Ensuite, il encourage à aller vers les autres, pour élaborer une œuvre avec eux, ou tout simplement pour leur montrer les œuvres que l’on a soi-même exécutées. Il aide aussi à restaurer la confiance en soi, grâce à la satisfaction de réaliser une belle chose, ainsi que la « saveur existentielle » (le plaisir de vivre l’instant présent).
De ce fait, l’art-thérapie, définie comme la valorisation du potentiel et des capacités préservées d’une personne en souffrance grâce à une pratique artistique, permet d’assister des patients victimes de pathologies très variées. Une enquête réalisée en 2015 par l’école d’art-thérapie de Tours (Afratapem) montre à quel point elle a pénétré le milieu du soin en France : plus de 92 % des structures d’accueil (hôpitaux, centres médico-sociaux…) déclarent en proposer. Si, de façon générale, elle n’est pas remboursée par la Sécurité sociale, certaines de ces structures l’intègrent tout de même gratuitement au parcours de soin. Autre atout : on peut y recourir à tout âge.
Quelque 30 % des interventions concernent ainsi des enfants et des adolescents. Chez ces derniers, les expérimentations se multiplient dans toutes les directions, même si les études sur de grandes cohortes manquent encore. Les art-thérapeutes proposent par exemple des séances de peinture à des enfants qui ont perdu toute motivation suite à des troubles cognitifs ou moteurs. Camille, victime d’une infection par un pneumocoque après la naissance et suivie dans un institut d’éducation motrice à Savigné-l’Evêque, près du Mans, a ainsi retrouvé une certaine forme de plaisir et d’envie grâce à ces séances ; ses difficultés motrices et mémorielles semblent aussi s’être améliorées. Dans une autre expérience, menée à Nantes, des enfants de 8 à 13 ans souffrant de mucoviscidose effectuent des séances d’arts plastiques, de jeux théâtraux et de marionnettes. L’objectif est de diminuer leur anxiété, notamment quand ils viennent à l’hôpital pour des analyses ou des traitements. Les mesures sont en cours, mais les premiers témoignages sont très positifs : « Quand j’ai les prises de sang, j’ai peur », déclare par exemple Martin. « Ça [la séance d’art-thérapie] me fait oublier, ça me change les idées… ça détend. » Autre bénéfice collatéral : les enfants sont plus motivés pour venir à l’hôpital.

Restaurer une bonne image de soi
D’autres essais portent sur des adolescents souffrant d’obésité. Ces patients ont très souvent une mauvaise estime d’eux-mêmes et une grande peur des jugements d’autrui. Des ateliers d’arts plastiques (peinture, dessin, collage…) leur permettent alors d’exprimer leurs émotions, et ainsi de mieux les comprendre et de commencer à prendre du recul. Lorsqu’ils sont effectués en groupe, c’est aussi une façon d’aller à la rencontre des autres. Les thérapeutes testent également des séances de danse, afin de donner le plaisir de bouger à ces adolescents et de contrecarrer l’image négative qu’ils ont de leurs propres mouvements, souvent vus comme disgracieux. On sait déjà que ce type de séances est efficace chez les adultes : en 2008, Solange Muller-Pinget, des Hôpitaux universitaires de Genève, et ses collègues ont ainsi montré qu’elles amélioraient l’image que les patients obèses ont de leur corps.
De façon générale, les bienfaits de l’art-thérapie sur la confiance et l’estime de soi sont solidement démontrés. L’acquisition de compétences et la réalisation d’une belle œuvre encouragent en effet les pensées positives (« je peux le faire », « je suis digne d’intérêt »). C’est ce qui pousse certaines structures médico-sociales à proposer de l’art-thérapie aux personnes en grande précarité, comme Marc, 48 ans, qui vit dans la rue. Accueilli dans une structure d’hébergement temporaire, il a pratiqué la peinture, le collage et la photographie. Au bout de huit séances d’une heure, l’évaluation a révélé des bénéfices notables sur l’estime de soi et l’anxiété.
Sans aller jusqu’à ces cas extrêmes, l’art-thérapie peut être d’une grande aide lors d’expériences professionnelles déstabilisantes, comme un burn-out ou une perte d’emploi. L’art-thérapeute Sandrine Ratz a ainsi proposé des ateliers de théâtre et de danse à des personnes renvoyées de leur travail. Elle a constaté que ces ateliers amélioraient leur estime de soi et diminuaient leur niveau de stress, mesurés par diverses échelles cliniques.
Simona Italia et ses collègues ont quant à eux travaillé avec le personnel soignant d’une unité d’oncologie – ces professionnels comptant parmi les plus à risque pour le burn-out. Les chercheurs ont organisé des séances hebdomadaires d’art-thérapie pendant trois mois. Les résultats, publiés en 2007, ont montré que ce programme diminuait les symptômes de burn-out sur trois dimensions : l’épuisement émotionnel, le désintérêt et la perte du sentiment d’accomplissement personnel. Notons toutefois que les séances combinaient des techniques d’art-thérapie (notamment des ateliers de théâtre) avec des techniques de relaxation, et que l’apport spécifique de chacune reste à préciser.
(Hervé Platel et Fabrice Chardon)
Source : Cerveau et psycho > https://www.cerveauetpsycho.fr


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