Le ciel était gris, tel un
jour de pluie mais la fenêtre était restée grande ouverte. Marguerite et Violette tricotaient près de la cheminée éteinte, tout en devisant paisiblement.
Elles tiraient sur les pelotes de laine par à-coups réguliers, jetaient parfois un regard furtif vers la fenêtre puis retournaient à leur ouvrage. On entendait par moments, les seuls bruits des aiguilles qui se chevauchaient et celui de la pendule : les sonorités sourdes et rythmées de l'une accompagnaient celles plus métalliques de l'autre dans un chant calme et monotone. C'était peut-être l'après-midi ou le matin mais on aurait pu penser que la nuit était proche.
Violette se leva et alluma une petite lampe rouge, bordée d'un volant, en poussant un soupir. Une curieuse lumière éclaira d'un coup la pièce aux murs flous et aux distances incertaines.
-" Crois-tu que les beaux jours sont déjà derrière nous ? Avons-nous vraiment travaillé aussi vite ?
- Certainement, j'ai aperçu les premières hirondelles se préparer à partir. Nous pouvons être satisfaites, nous avons manié nos aiguilles avec promptitude. Les nuits sont plus fraîches et plus longues. C'est vrai mais j'ai du mal à m'y habituer… J'aime tant admirer les fleurs et savourer tous les parfums de l'été ! C'est stupide, je sais qu'il ne peut en être autrement et que les beaux jours reviendront à tire d'aile. Je ressens toujours un petit pincement là... ajouta Violette, un doigt fin pointé sur son corsage nuageux, couleur d'albâtre.
Marguerite sourit. Elle comprenait les sentiments de sa compagne mais ce n'était pas elles qui établissaient les règles. Elles n'étaient toutes les deux que de modestes ouvrières, obéissantes.
-" L'automne est tout aussi agréable et puis, bientôt, ce sera Noël !
- Que j'aime cette fête, j'avais oublié ! Violette tira d'un coup sec sa pelote pour la ramener vers elle. Tu as dit exactement les mots que je voulais entendre. Noël, c'est merveilleux ! Nous avons bien travaillé au printemps et cet été. Maintenant, il faut préparer cette noble fête ! Nous allons tricoter, sans plus nous laisser distraire. "
Et, cessant son bavardage et ses regrets, Violette se remit à la besogne : plus elle tricoterait vite, plus vite le temps passerait. Plus la laine se déroulerait, plus Noël approcherait à grands pas !
Violette et Marguerite guidaient de leurs pieds de curieuses pelotes de laine. Elles avaient beau entrechoquer leurs aiguilles, besogner sans cesse, les pelotes ne semblaient pas diminuer pour autant. Elles avaient toujours la même taille et semblaient inépuisables, interminables... Celle de Marguerite était faite d'un curieux mélange de couleurs douces et claires, quant à celle de Violette, les couleurs en étaient plus sombres, plus chaudes et parfois plus vives.
L'automne passa à grande vitesse, pour les deux amies. Le vent soufflait, entraînait derrière lui une escorte de feuilles rousses. Les premiers froids s'installèrent, en deux ou trois coups d'aiguilles à tricoter.
Violette et Marguerite avaient bien œuvré et pourtant, elles n'avaient pas eu besoin, pour cela, de changer de place.
Elles se tenaient toujours assises auprès de la cheminée éteinte, portant toujours les mêmes vêtements, comme si l'écoulement des heures glissait sur elles. Le temps n'avait pas de prise et ne semblait toucher uniquement que ce qui se trouvait à l'extérieur, par-delà la fenêtre.
A présent, on y entrevoyait les champs saupoudrés de taches châtaignes et laiteuses. Les arbres se balançaient pour secouer toute cette froidure et les animaux cherchaient en silence de quoi se nourrir. Les tricoteuses, nullement dérangées par l'air glacial et vif, se réjouissaient :
-" Encore quelques mailles et ce sera Noël… Nous avons bien travaillé !
- Je crois que les couleurs que j'aime le plus utiliser, à cet instant, ce sont le rouge et le vert. Elles symbolisent vraiment ce temps de réjouissances.
- Et l'or ? Et l'argent ? Tu les oublies...
- Non, mais ce sont les tiennes. Elles t'appartiennent. Toi seule sauras les utiliser au mieux ! "
Noël arriva enfin. Violette et Marguerite décidèrent alors de s'accorder un répit. Elles délaissèrent aiguilles et pelotes et s'assirent devant l'embrasure pour contempler le paysage qui n'était plus tout à fait le même. Le temps parut s'arrêter.
Ce qu'elles aperçurent allait bien au-delà d'un regard porté sur de simples champs ou des habituels villes et villages. Leur esprit plongea dans chacune des maisons, pénétra les sentiments des hommes et s'attarda sur ceux des enfants. Les sourires, les attentes et les espoirs de ces derniers, les touchèrent profondément. Elles aimaient observer les mouvements, les gestes emplis de grâce de ces bambins qui attendaient Noël avec une telle impatience ! Elles ne s'en lassaient pas ! Voir un petit préparer un sapin de ses mains encore malhabiles, un plus grand émerveillé par la découverte des cadeaux enrubannés, mettaient les deux complices au comble de la joie. Et tous se réunissaient pour chanter et manger en famille pour oublier les soucis quotidiens.
C'était une harmonie de quelques heures mais combien elle était douce !
Bien sûr, à l'extérieur de la fenêtre tout n'était pas encore parfait, il fallait bien l'avouer… Pourtant Violette et Marguerite étaient persuadées, qu'un jour, quand les mailles se seraient ajoutées à d'autres mailles, le désespoir n'aurait plus sa place.
Puis la pause fut suspendue.
- " Allez Violette ! Il faut arrêter de rêver ! Le travail ne saurait attendre plus longtemps. "
Marguerite, la sage, retourna s'asseoir la première dans son fauteuil et reprit l'interminable ouvrage, sans se décourager. Violette la suivit à regret. Néanmoins, elle retrouva aussitôt l'espoir en pensant que plus vite la pelote se déroulerait sur le sol, plus vite les beaux jours reviendraient !
Et l'on n'entendit bientôt plus que le cliquetis des aiguilles et les battements de la pendule.
Elles tiraient sur les pelotes de laine par à-coups réguliers, jetaient parfois un regard furtif vers la fenêtre puis retournaient à leur ouvrage. On entendait par moments, les seuls bruits des aiguilles qui se chevauchaient et celui de la pendule : les sonorités sourdes et rythmées de l'une accompagnaient celles plus métalliques de l'autre dans un chant calme et monotone. C'était peut-être l'après-midi ou le matin mais on aurait pu penser que la nuit était proche.
Violette se leva et alluma une petite lampe rouge, bordée d'un volant, en poussant un soupir. Une curieuse lumière éclaira d'un coup la pièce aux murs flous et aux distances incertaines.
-" Crois-tu que les beaux jours sont déjà derrière nous ? Avons-nous vraiment travaillé aussi vite ?
- Certainement, j'ai aperçu les premières hirondelles se préparer à partir. Nous pouvons être satisfaites, nous avons manié nos aiguilles avec promptitude. Les nuits sont plus fraîches et plus longues. C'est vrai mais j'ai du mal à m'y habituer… J'aime tant admirer les fleurs et savourer tous les parfums de l'été ! C'est stupide, je sais qu'il ne peut en être autrement et que les beaux jours reviendront à tire d'aile. Je ressens toujours un petit pincement là... ajouta Violette, un doigt fin pointé sur son corsage nuageux, couleur d'albâtre.
Marguerite sourit. Elle comprenait les sentiments de sa compagne mais ce n'était pas elles qui établissaient les règles. Elles n'étaient toutes les deux que de modestes ouvrières, obéissantes.
-" L'automne est tout aussi agréable et puis, bientôt, ce sera Noël !
- Que j'aime cette fête, j'avais oublié ! Violette tira d'un coup sec sa pelote pour la ramener vers elle. Tu as dit exactement les mots que je voulais entendre. Noël, c'est merveilleux ! Nous avons bien travaillé au printemps et cet été. Maintenant, il faut préparer cette noble fête ! Nous allons tricoter, sans plus nous laisser distraire. "
Et, cessant son bavardage et ses regrets, Violette se remit à la besogne : plus elle tricoterait vite, plus vite le temps passerait. Plus la laine se déroulerait, plus Noël approcherait à grands pas !
Violette et Marguerite guidaient de leurs pieds de curieuses pelotes de laine. Elles avaient beau entrechoquer leurs aiguilles, besogner sans cesse, les pelotes ne semblaient pas diminuer pour autant. Elles avaient toujours la même taille et semblaient inépuisables, interminables... Celle de Marguerite était faite d'un curieux mélange de couleurs douces et claires, quant à celle de Violette, les couleurs en étaient plus sombres, plus chaudes et parfois plus vives.
L'automne passa à grande vitesse, pour les deux amies. Le vent soufflait, entraînait derrière lui une escorte de feuilles rousses. Les premiers froids s'installèrent, en deux ou trois coups d'aiguilles à tricoter.
Violette et Marguerite avaient bien œuvré et pourtant, elles n'avaient pas eu besoin, pour cela, de changer de place.
Elles se tenaient toujours assises auprès de la cheminée éteinte, portant toujours les mêmes vêtements, comme si l'écoulement des heures glissait sur elles. Le temps n'avait pas de prise et ne semblait toucher uniquement que ce qui se trouvait à l'extérieur, par-delà la fenêtre.
A présent, on y entrevoyait les champs saupoudrés de taches châtaignes et laiteuses. Les arbres se balançaient pour secouer toute cette froidure et les animaux cherchaient en silence de quoi se nourrir. Les tricoteuses, nullement dérangées par l'air glacial et vif, se réjouissaient :
-" Encore quelques mailles et ce sera Noël… Nous avons bien travaillé !
- Je crois que les couleurs que j'aime le plus utiliser, à cet instant, ce sont le rouge et le vert. Elles symbolisent vraiment ce temps de réjouissances.
- Et l'or ? Et l'argent ? Tu les oublies...
- Non, mais ce sont les tiennes. Elles t'appartiennent. Toi seule sauras les utiliser au mieux ! "
Noël arriva enfin. Violette et Marguerite décidèrent alors de s'accorder un répit. Elles délaissèrent aiguilles et pelotes et s'assirent devant l'embrasure pour contempler le paysage qui n'était plus tout à fait le même. Le temps parut s'arrêter.
Ce qu'elles aperçurent allait bien au-delà d'un regard porté sur de simples champs ou des habituels villes et villages. Leur esprit plongea dans chacune des maisons, pénétra les sentiments des hommes et s'attarda sur ceux des enfants. Les sourires, les attentes et les espoirs de ces derniers, les touchèrent profondément. Elles aimaient observer les mouvements, les gestes emplis de grâce de ces bambins qui attendaient Noël avec une telle impatience ! Elles ne s'en lassaient pas ! Voir un petit préparer un sapin de ses mains encore malhabiles, un plus grand émerveillé par la découverte des cadeaux enrubannés, mettaient les deux complices au comble de la joie. Et tous se réunissaient pour chanter et manger en famille pour oublier les soucis quotidiens.
C'était une harmonie de quelques heures mais combien elle était douce !
Bien sûr, à l'extérieur de la fenêtre tout n'était pas encore parfait, il fallait bien l'avouer… Pourtant Violette et Marguerite étaient persuadées, qu'un jour, quand les mailles se seraient ajoutées à d'autres mailles, le désespoir n'aurait plus sa place.
Puis la pause fut suspendue.
- " Allez Violette ! Il faut arrêter de rêver ! Le travail ne saurait attendre plus longtemps. "
Marguerite, la sage, retourna s'asseoir la première dans son fauteuil et reprit l'interminable ouvrage, sans se décourager. Violette la suivit à regret. Néanmoins, elle retrouva aussitôt l'espoir en pensant que plus vite la pelote se déroulerait sur le sol, plus vite les beaux jours reviendraient !
Et l'on n'entendit bientôt plus que le cliquetis des aiguilles et les battements de la pendule.
Jolie parabole. mais quand donc finiront-elles leurs jolis tricots ?
RépondreSupprimerJamais... :-)
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