La cigale cherche un mari (conte tunisien)

La cigale voulait se marier. Elle lissa ses ailes, mit ses bijoux et se fit coiffer par sa mère. Puis elle s’installa devant la porte pour attendre un mari.

Un chameau passa :

-          Qu’attends-tu, petite cigale ?

-          J’attends un mari.

Le chameau se dit en lui-même : « Cette cigale serait pour moi une gentille épouse. Elle me distrairait par ses chansons. »

-          Veux-tu m’épouser ? Tu es belle et tes bijoux brillent.

-          Que sais-tu faire, dit la cigale ?

-          Je fais ron ! ra ! ron !

-          Va-t-en, dit la cigale. Tu es trop grand, trop gros pour moi ; tu me fais peur ! 

Et le chameau s’en alla tête basse, honteux et triste.

Un gros boeuf vint ensuite. Il s’approcha de la petite cigale :

-          Veux-tu m’épouser, petite cigale ?

-          Que sais-tu faire ?

-          Je fais meuh ! meuh !

-          Va-t-en, dit la cigale. Tu me fais peur avec tes grandes cornes et ta grosse voix.

Et le boeuf s’en alla tête basse, honteux et triste.

Un âne vint à passer. Lui aussi demanda :

-          Veux-tu m’épouser, petite cigale ?

-          Que sais-tu faire ?

-          Je fais hi ! han ! hi ! han !

-          Va-t-en, va-t-en, tu m’assourdis, dit la cigale.

Et l’âne s’en alla tête basse, honteux et triste.

Un coq arriva, étalant sa queue et dressant sa crête.

-          Veux-tu m’épouser, petite cigale ?

-          Que sais-tu faire ?

-          Je fais cocorico ! cocorico !

-          Va-t-en, dit la cigale qui avait sursauté de frayeur.

Et le coq s’en alla tête basse, honteux et triste.

Un jeune rat vint enfin. Son petit museau pointu, sa longue queue plurent à la cigale.

-          Veux-tu m’épouser, petite cigale ?

-          Que sais-tu faire ?

-          Je t’apporterai de l’huile, du sucre, de la farine et du miel de la maison du Sultan.

-          Je t’épouserai, dit la cigale qui était gourmande.

La cigale et le rat se marièrent.

Le rat allait chercher des provisions et la cigale s’occupait du ménage.

Un jour, alors que le rat était parti dans le palais du Sultan prendre de la farine, la cigale lavait son linge à la rivière. Elle frottait et rinçait une chemise en y mettant beaucoup d’ardeur. Tout à coup, patatras ! la voilà dans l’eau !

Elle appela au secours d’une voix perçante :

-          Ô Rat, Ô mon bon Rat ! Viens vite, ta femme se noie !

Le rat l’entendit et accourut au bord de la rivière. Mais comment atteindre la cigale qui se débattait dans l’eau ? Pas une seule branche, pas une corde ! Que faire ?

Le rat eut alors une bonne idée. Il fit plonger sa queue dans l’eau. La cigale s’y accrocha et fut ramenée sur le bord.

Le rat alluma un grand feu pour sécher sa pauvre cigale.

-          Je ne veux plus que tu t’occupes des travaux de la maison, lui dit-il. Je m’en chargerai seul !

Et c’est depuis ce temps-là que l’on voit toujours le rat courir d’un côté et de l’autre. Il est toujours pressé, il ne s’arrête jamais.

Quant à la cigale, elle passe ses journées à chanter au soleil, chaque fois qu’il fait beau. Elle ne fait rien d’autre.