Solenn Hart, Désirés
Suite :
Toute la nuit, le soleil du vin circula à la lumière des bougies. Toute la nuit, l’œil égaré de l’esclave resta attaché au visage de la princesse. Toute la nuit, elle lui fit l’amour avec ardeur et en pleurant.
L’esclave resta dans cette sorte de vision physique jusqu’à l’aurore. Alors, dans une dernière coupe de vin, une nouvelle drogue l’endormit, on lui enleva ses vêtements d’amour, on le ramena dans le logement des esclaves où il était auparavant.
A son réveil, il poussa un cri de peur. Les autres esclaves s’en étonnèrent.
- Où sommes-nous ? s’écria-t-il.
- Comment ça, où sommes-nous ?
- Que s’est-il passé ? Aidez-moi !
- La nuit est finie. A quoi bon crier ? De quoi as-tu peur ?
- Ce que j’ai vu, personne ne le verra, personne !
- Qu’est-ce que tu as vu ? Raconte-nous !
L’esclave, qui sentait encore sur ses bras quelques souvenirs des parfums de la nuit, essaya de raconter son aventure exceptionnelle. Mais les mots précis, déjà, lui manquaient. Il ne savait que balbutier :
- Je ne peux rien vous dire … Je suis déconcerté … Ce que j’ai vu, je l’ai vu dans un autre corps. Je n’ai rien entendu, quoique j’aie tout entendu … Je n’ai rien vu, quoique j’aie tout vu.
- Tu as rêvé ! dit un autre esclave.
- Je ne sais pas si j’ai rêvé. Je ne sais pas si j’étais ivre.
En disant ces mots, l’esclave se leva et se dirigea vers la porte. Ses compagnons lui demandèrent :
- Où vas-tu ?
- Je ne sais pas où je vais. Mais je dois partir. Je dois partir.
Il n’avait pas le droit de quitter le palais et le service du prince. Néanmoins personne ne l’arrêta quand il traversa la cour et franchit la porte principale. Peut-être la princesse avait-elle donné, aux gardes du matin, quelques ordres secrets.
Il disparut dans la campagne. Il marcha longtemps, il passa le reste de sa vie à marcher de pays en pays. Les voyageurs qui le rencontrèrent le décrivirent comme « un homme stupéfait ». Il parlait du temps « où il était vivant » , ajoutant qu’il avait passé une nuit entière près d’une princesse dont rien n’égalait la perfection.
- Je l’ai vue, et je ne l’ai pas vue, disait-il. Je l’ai touchée, et je ne l’ai pas touchée. Je l’ai aimée, et je ne l’ai pas aimée. Rien dans le monde n’est plus étonnant qu’une chose qui n’est ni claire, ni obscure.
C’était tout ce qu’on pouvait entendre de sa bouche. Il allait, fidèle au même délire. Il ne savait même plus ce qu’il cherchait.
(Conte perse)
Certes, elle n'était pas femme et charmante en vain,
RépondreSupprimerMais le terrestre en elle avait un air divin.
Des flammes frissonnaient sur mes lèvres hardies ;
Elle acceptait l'amour et tous ses incendies,
Rêvait au tutoiement, se risquait pas à pas,
Ne se refusait point et ne se livrait pas ;
Sa tendre obéissance était haute et sereine ;
Elle savait se faire esclave et rester reine,
Suprême grâce ! et quoi de plus inattendu
Que d'avoir tout donné sans avoir rien perdu !
Elle était nue avec un abandon sublime
Et, couchée en un lit, semblait sur une cime.
À mesure qu'en elle entrait l'amour vainqueur,
On eût dit que le ciel lui jaillissait du cœur ;
Elle vous caressait avec de la lumière ;
La nudité des pieds fait la marche plus fière
Chez ces êtres pétris d'idéale beauté ;
Il lui venait dans l'ombre au front une clarté
Pareille à la nocturne auréole des pôles ;
À travers les baisers, de ses blanches épaules
On croyait voir sortir deux ailes lentement ;
Son regard était bleu, d'un bleu de firmament ;
Et c'était la grandeur de cette femme étrange
Qu'en cessant d'être vierge elle devenait ange. Victor HUGO. http://www.youtube.com/watch?v=8KF_WoyujzE
Qu'elle est triste, cette histoire
RépondreSupprimerOui ... la belle princesse l'a possédé à sa guise et il est devenu fou ...
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