Aimer avait toujours été la grande affaire de la vie de lord Jeremy Cigogne ; mais à trente-huit ans, cet aristocrate anglais enrageait de n'avoir jamais su convertir sa passion pour sa femme en un amour véritable. Certes, il n'était pas de ces époux négligents qui laissent leur couple dans la quiétude. Tout au long de leurs sept années de mariage, Cigogne avait remué le coeur d'Emily avec la même furie d'esprit dont il faisait tout. Il avait même suscité quelques embarquements échevelés, avec l'espoir de donner à leur histoire une tournure de liaison très française. Mais Jeremy sentait à présent combien il s'était trompé en cherchant à perpétuer l'élan de leur ancienne passion, tout l'artificiel que comportait sa lutte contre l'usure. A trop vouloir demeurer l'amant de sa femme, il n'avait pas su devenir son époux.
Les années n'avaient pas fatigué les sentiments qu'Emily lui portait ; cependant – et cela faisait désormais toute l'inquiétude de Cigogne – un sentiment d'incomplétude ne cessait d'augmenter en elle. Jeremy l'aimait avec feu sans la voir. Ils étaient passés par toutes sortes d'ivresses ; mais le profit des passions n'est pas dans l'enivrement qu'elles procurent. Le coeur ne peut se nourrir uniquement de ces griseries, et celui d'Emily s'épuisait dans ces vaines mises en scène, ce bric-à-brac de stratagèmes calamiteux qui finissaient par la navrer. Malgré sa bonne volonté, très sincère, Jeremy avait toujours eu pour sa femme ce goût aveugle et finalement égoïste qui ne cherche pas à pénétrer ce qu'est l'autre, cette sorte d'emportement délicieux qui fait aimer les jeux de l'amour plus que son objet.
« Il n'y a pas six ou sept merveilles dans le monde ;
RépondreSupprimerIl n'y en a qu'une : c'est l'amour. »
Jacques Prevert – 1900 - 1977
Vrai aussi ...
RépondreSupprimerc'est jamais facile d'aimer comme il faut souvant on croit bien faire et on passe à côté de l'essentiel besos tilk
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