Etre en vacances pour moi signifie redevenir matière, puis une fois mon être physique reconstitué, retrouver mon âme. […]
Le premier bain ressemble à un baptême. Au bout des rochers, la mer m’attend, telle une opale, lisse comme un miroir à l’infini, et c’est une sorte de communion païenne. Mon corps en apesanteur flotte sur l’eau tiède et soyeuse, je ferme les yeux et les remous salés éveillent ma bouche. Le temps s’arrête. Je nage longuement en étirant chaque parcelle de mon être au milieu du silence et dans la plus parfaite solitude. Aucune entrave corporelle, nulle pensée, mais une lente résurrection.
Puis s’élabore tout le long des jours l’éveil des cinq sens. Contempler, écouter, renifler et sentir, caresser, dormir et goûter avec gourmandise, tels sont mes comportements durant les vacances.Tout geste se transforme en réel plaisir, en saine volupté : allonger son corps mouillé sur une pierre plate et chaude, regarder le soleil monter lentement dans le ciel et colorer de mauve un paysage inouï, puis disparaître dans les vagues noires. Appuyer ses pieds nus sur la pierre sèche et le sable humide. Sentir l’odeur des pins et s’enivrer de jasmin. Croquer une tartine frottée à l’huile d’olive, dîner d’un rouget grillé avec des tomates crues. Sombrer, corps et âme retrouvés, dans une tendre sieste. Se sentir belle, lucide et glorieuse d’être si heureuse. Ecrire sous un figuier en écoutant bruisser les feuilles et gargouiller la terre pendant l’arrosage, un de mes bruits préférés de l’été avec le murmure infini des vagues sur la plage. Converser avec mes amis, étourdie de bonheur et de parfums, dans la tiédeur d’une nuit étoilée. Et enfin dire ma prière et rendre grâce pour tant de beauté.
(Victoire de Montesquiou, L’art de vivre au fil des jours)
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